La Chine, un rouleau compresseur qui prend son temps

Jean Étèvenaux, dont l’œuvre est riche d’une trentaine d’ouvrages, décrit dans son dernier livre, L’Expansion chinoise (éditions Saint-Léger, 216 pages, 18 euros), l’essor impressionnant...
De notre correspondant permanent aux Etats-Unis. – De solides preuves accumulées dès le début du mois de janvier dernier ont persuadé les Américains que Vladimir Poutine, président de la fédération de Russie, était en train de programmer l’invasion de l’Ukraine. L’attaque devait avoir lieu fin janvier. C’est alors que se greffèrent sur ces sombres desseins deux opérations extérieures et contradictoires. L’une, venue de Washington, sollicita l’influence du président chinois Xi Jinping sur Poutine pour tenter de tuer cette guerre dans l’œuf ; l’autre, née à Pékin, demanda au Kremlin de remettre les affrontements militaires à la fin des Jeux olympiques d’hiver. Deux initiatives croisées : la première échoua lamentablement ; la seconde fut couronnée de succès.
Pour sceller leur « mariage de raison », Poutine et Xi se rencontrèrent à Pékin le 4 février ; l’Ukraine n’avait plus que quelques jours de paix à vivre. Dépitée, la Maison-Blanche prit conscience du décalage de sa diplomatie. Dans cette affaire, la Chine avait quelques longueurs d’avance sur elle.
Pourtant, ce camouflet administré non sans un certain mépris ne découragea pas le moins du monde Joe Biden qui chargea Jake Sullivan, son conseiller pour la Sécurité nationale, de relancer la Chine afin d’utiliser son poids pour, cette fois, arrêter la guerre. La rencontre de Sullivan et du ministre Yang Jiechi dura sept heures. Pour rien. Les Etats-Unis et l’Europe perdirent brutalement leur double illusion : dans cette affaire, le couple qu’ils forment n’a qu’un crédit très limité ; en revanche, le couple sino-russe paraît résister aux secousses du conflit. Pékin a refusé de qualifier Poutine d’« envahisseur », d’œuvrer pour un cessez-le-feu ou de rejoindre les Occidentaux dans leurs sanctions contre le Kremlin. Xi a réaffirmé la pérennité des accords du 4 février. Mieux : il a ouvert ses banques à son partenaire et doublé ses échanges commerciaux avec lui.
Ni le coût humain, économique et diplomatique des opérations militaires, ni les risques de mesures coercitives n’ont fait reculer Xi. Si sa tactique a dû changer au gré des événements ponctuels, sa stratégie, jusqu’à preuve du contraire, reste la même. Pourquoi ? Cinq raisons :